25 novembre 2014
Pourquoi lire Proudhon aujourd’hui ?
Le fédéralisme et le défi de la solidarité dans les sociétés divisées
Dimitrios Karmis
L’idée de Fédération est certainement la plus haute à laquelle se soit élevé jusqu’à nos jours le génie politique. […] Elle résout toutes les difficultés que soulève l’accord de la Liberté et de l’Autorité. […] l’opposition des principes apparaît enfin comme la condition de l’universel équilibre [1].
La liberté est de deux sortes : simple, c’est celle du barbare, du civilisé même, tant qu’il ne reconnaît d’autre loi que celle du Chacun chez soi, chacun pour soi ; – composée, lorsqu’elle suppose, pour son existence, le concours de deux ou plusieurs libertés. Au point de vue barbare, liberté est synonyme d’isolement […]. Au point de vue social, liberté et solidarité sont termes identiques : la liberté de chacun rencontrant dans la liberté d’autrui, non plus une limite, comme dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793, mais un auxiliaire, l’homme le plus libre est celui qui a le plus de relations avec ses semblables [2].
Depuis les années 1960, les démocraties libérales connaissent un mouvement d’affirmation identitaire sans précédent. Ce mouvement s’est traduit par une légitimité renforcée des revendications des minorités nationales [3]. Il a également contribué à l’émergence du concept d’Etat multinational ainsi qu’à la multiplication et à l’approfondissement des arrangements fédératifs de dévolution. Pareil contexte met en évidence, avec une acuité particulière, le problème de la solidarité dans les sociétés divisées sur le plan de l’identité nationale. Le partage d’une seule et même identité nationale est-il nécessaire à un haut niveau de redistribution dans les sociétés modernes ? Le nationalisme classique présuppose que la solidarité repose sur le partage d’une même identité nationale et le développement initial de l’État providence s’est largement inspiré de ce présupposé. Or, dans le contexte contemporain de l’affirmation et de la légitimité accrues des nations minoritaires, pareille conception condamne plus ou moins à la fragmentation des solidarités [4].
Ces dernières années, un nombre croissant de travaux ont commencé à s’interroger sur les bases de la solidarité dans la perspective de la justice et de la stabilité dans les États multinationaux, particulièrement les fédérations multinationales [5]. Ce texte propose une contribution à la réflexion sur les fondements moraux et pratiques de la solidarité dans les systèmes fédéraux multinationaux en renouant avec la pensée fédérale de Pierre-Joseph Proudhon, un auteur aujourd’hui peu lu. Proudhon est le premier à s’être opposé à la lecture jacobiniste du principe des nationalités sur la base d’une pensée fédérale qui se voulait simultanément une solution à la question des nationalités et à celle de la solidarité. C’est dire que Proudhon soulève une interrogation très similaire à celle d’auteurs contemporains comme Philippe Van Parijs et Daniel Weinstock, mais dans le contexte fort différent des révolutions politiques et sociales du XIXe siècle qui ont conduit à la prédominance du modèle de l’État-nation. La solidarité transnationale est-elle possible [6] ?
Le respect de la différence condamne-t-il à la fragmentation, voire à l’émiettement des solidarités ? Quels sont les fondements moraux et pratiques de la solidarité transnationale ? Proudhon est non seulement le premier à aborder aussi explicitement le lien entre solidarité et diversité, mais il l’est aussi à concevoir explicitement le fédéralisme comme une pensée de l’équilibre entre unité et diversité.
Il n’y a pas lieu ici de chercher des solutions toutes faites à nos problèmes dans la pensée d’un auteur du XIXe siècle. À partir d’une mise en contexte du questionnement et des réponses de Proudhon, il s’agit plutôt de voir dans quelle mesure ses intuitions, ses concepts, son raisonnement et ses propositions peuvent faire progresser la théorie et la pratique de la solidarité transnationale. Plus précisément, il importe surtout de présenter et d’évaluer les bases morales et pratiques du fédéralisme proposé par Proudhon pour en arriver à la solidarité transnationale dans le respect de la diversité. Pour l’essentiel, nous verrons qu’il y a dans l’esprit du fédéralisme proudhonien, davantage que dans la lettre, des intuitions pour nous aider à progresser sur cette voie.
La pensée de Proudhon stimule la réflexion et ouvre des pistes de recherche beaucoup plus qu’elle n’apporte de réponses à nos questions. Dans un premier temps, j’exposerai les modalités institutionnelles et les fondements moraux du fédéralisme proudhonien. Dans un second temps, j’évaluerai le potentiel et les limites d’un tel fédéralisme pour générer la solidarité en contexte de diversité.
Le fédéralisme mutuelliste comme voie d’équilibre
Dès les premières pages de son principal ouvrage sur le fédéralisme, Proudhon glisse une de ces affirmations-chocs qui le caractérisent : « la théorie du système fédératif est toute nouvelle : je crois même pouvoir dire qu’elle n’a encore été présentée par personne [7] ». Pas la moindre référence à Montesquieu, à Publius, à Kant, à Tocqueville ou à quelque autre de leurs prédécesseurs dans l’ensemble de ses écrits sur la question fédérale. Pas même une allusion dans ses Carnets qui permette de savoir avec certitude s’il a lu tel ou tel de leurs écrits. Pourtant, Proudhon parle épisodiquement de Montesquieu dans ses travaux antérieurs et il affronte Tocqueville comme parlementaire. On peut donc formuler l’hypothèse selon laquelle il avait une connaissance minimale des conceptions du fédéralisme de ces deux auteurs. Comme le laisse entendre le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, paru peu après la mort de Proudhon, le silence de l’auteur sur ses prédécesseurs en matière de théorie du système fédératif s’explique sans doute largement par une prétention à l’innovation [8]. Dans la première partie de cette section, nous verrons, au moyen d’une comparaison avec la terminologie et les significations dominantes aux XVIIIe et XIXe siècles, qu’une forte crainte de la centralisation conduit Proudhon à privilégier une conception hybride du fédéralisme, où prédominent l’imagination sur les précédents historiques et les arrangements de type confédératif sur le nouveau type de fédéralisme né avec la Constitution américaine de 1787. Le fédéralisme proudhonien se veut très explicitement une réponse qui soit valable à la fois pour la question sociale et pour la question nationale. Par la suite, nous verrons que cette même crainte de la centralisation, jumelée à sa philosophie de l’histoire, mène l’auteur à un traitement exclusivement apologétique du système fédératif comme mode de réalisation de trois conceptions de la liberté qui convergent vers la solidarité.
Une définition novatrice
Proudhon commence à s’intéresser au système fédéral dans les années 1850. À l’époque, les termes « fédération » et « confédération » sont encore utilisés indistinctement ; le nouveau fédéralisme à l’américaine, déjà théorisé par Publius et Tocqueville, reste sans nom et il est rarement différencié de l’ancien en dépit de son apparition en Suisse avec la nouvelle constitution de 1848 [9]. Cependant, la polémique post-1848 sur le gouvernement direct et les débats liés à la montée des mouvements nationalitaires – particulièrement le Risorgimento italien incarné par Mazzini – ont pour effet d’accroître la visibilité de la double connotation jacobine associée à tout le vocabulaire fédéral : chaos démocratique et contre-révolution aristocratique et régionaliste. C’est dans ce contexte explosif que Proudhon conçoit un fédéralisme qui se veut ouvertement une réponse au problème social et à la question nationale [10].
Comme ses prédécesseurs, Proudhon emploie indistinctement les termes « fédération » et « confédération [11] ». Là où il se distingue, c’est par sa définition largement inspirée de ses travaux antérieurs sur le contrat mutuelliste. Dans le lexique de Proudhon, une fédération est un contrat politique « synallagmatique et commutatif, pour un ou plusieurs objets déterminés, mais dont la condition essentielle est que les contractants se réservent toujours une part de souveraineté et d’action plus grande que celle qu’ils abandonnent [12] ». De plus, il s’agit d’« un pacte positif, effectif, qui a été réellement proposé, discuté, voté, adopté et qui se modifie régulièrement à la volonté des contractants [13] ». Ce pacte se distingue également du contrat social unitaire. Il met en présence des entités territoriales (communes, provinces), elles-mêmes constituées par des contrats entre individus. Enfin, il a trois corollaires : primo, l’indépendance administrative des entités territoriales fédérées ; secundo, la séparation des pouvoirs dans chaque entité ; tertio, la fédéralisation sociale (agricole-industrielle) à l’intérieur des entités fédérées et entre chacune d’elles [14]. Aux yeux de Proudhon, ni les démocraties impériales ni les monarchies constitutionnelles ni les républiques unitaires (bourgeoises ou communistes) ne peuvent réunir ces conditions.
La fédération est la seule véritable incarnation de la démocratie parce qu’elle réalise le « grand principe posé en 89, que la Justice, c’est-à-dire la Souveraineté, est immanente au peuple [15] ». Elle maximise la liberté et minimise l’autorité par un système de droit contractuel – voie d’équilibre entre liberté et autorité – dont l’initiative appartient à la base plutôt qu’au sommet de la pyramide sociale.
L’actualisation proudhonienne de la devise de la Révolution française à travers le fédéralisme est le résultat d’une méthode dialectique originale dont il faut dire quelques mots. Après avoir frayé avec la dialectique hégélienne par personnes interposées (Proudhon ne lit pas l’allemand et l’œuvre de Hegel n’est pas encore traduite), notre auteur s’en démarque dans les années 1850. Pour l’essentiel, il rompt avec l’hégélianisme au moins à deux égards [16]. Premièrement, si Proudhon reconnaît avec Hegel que l’antagonisme est la loi de la vie, il s’en distingue en affirmant que les termes antinomiques ne se succèdent pas mais coexistent dans le temps. Deuxièmement, ces derniers sont indépassables dans un troisième terme. Aux yeux de Proudhon, en forçant le choix entre des dimensions indissolubles de la vie comme la liberté et l’égalité, la diversité et l’unité, l’opération de la « synthèse » hégélienne est de nature absolutiste. Cette critique l’amène à compléter sa dialectique par un troisième terme coexistant, celui de l’équilibre entre les antinomies. Ce dernier étant dynamique, constitué par une tension entre les deux premiers termes, il coexiste nécessairement avec eux et recèle une valeur morale propre, en l’occurrence la justice : « la Justice, en soi est la balance des antinomies, c’est-à-dire la réduction à l’équilibre des forces en lutte [17] », fondée sur l’égalité de dignité des personnes en vertu de leur raison [18].
La définition proudhonienne du système fédéral est en rupture avec les approches du passé. Elle est constituée d’un mélange d’éléments issus de trois sources : l’imaginaire proudhonien ; le nouveau type de système fédéral – que l’on appelle aujourd’hui « fédération » – que Tocqueville décèle alors aux États-Unis et en Suisse ; le type plus ancien de système fédéral – que l’on appelle aujourd’hui « confédération ».
Premièrement, Proudhon fait preuve d’imagination. Il adapte le mutuellisme anarchiste de ses premiers écrits à une vision plus politique du vivre-ensemble. Il en résulte un système politique et social qui montre plusieurs aspects originaux. Il s’agit d’un système d’inspiration populaire qui repose sur le principe de mutualité et se réalise par l’intermédiaire de contrats réels publiquement débattus et votés par chaque partie prenante. Lesdites parties prenantes sont à la fois des individus et des groupes qui s’associent sur des bases politiques d’abord, puis économiques [19] : les individus se regroupent politiquement en fonction de territoires correspondant à des affinités ethnographiques et historiques dont résultent les communes ou municipalités ; à l’intérieur de chaque commune, les individus s’associent économiquement en fonction de leur appartenance de métier, et les métiers en fonction de leur secteur de production ou de services, dans le cadre d’une économie de type autogestionnaire [20] ; les communes se fédèrent politiquement et économiquement sur des bases provinciales, les provinces sur des bases étatiques, les États sur des bases continentales et les continents sur des bases globales pour constituer ce que l’auteur appelle une « confédération de confédérations [21] ». Enfin, le suffrage, suivant la conception des divers régimes français depuis 1789, est remplacé par un vote plural – par circonscriptions territoriales d’une part, par catégories de fonctions d’autre part [22] – encadré par des conditions et des garanties d’universalité sans lesquelles Proudhon prescrit le « vote blanc [23] ».
Deuxièmement, l’influence du nouveau type de système fédéral peut également être décelée, mais elle paraît minime et mal comprise. D’une part, Proudhon n’hésite pas à parler d’une autorité ou d’un Etat fédéral distinct des autorités ou Etats fédérés ni à lui confier un rôle majeur – quoique limité – de grand législateur, d’initiateur et de surveillant dans des matières jugées d’« utilité publique » comme la monnaie, les institutions financières, les statistiques, les communications et l’instruction [24]. D’autre part, tout en s’inspirant essentiellement d’un cas de système fédéral dans lequel Tocqueville perçoit une évolution vers le type nouveau à l’américaine (la Suisse de 1848), notre auteur en présente une compréhension qui va quasi exclusivement dans le sens d’une confédération [25], troisième source de sa définition.
L’emprunt par Proudhon d’éléments confédéraux, tous clairement identifiés comme tels par Tocqueville, s’explique par une peur obsessive d’éventuelles dérives centralistes qui n’a d’égale que la crainte tocquevillienne de l’anarchie et de la fragmentation. Richard Vernon a certes raison d’affirmer que le nouveau fédéralisme à l’américaine correspond mieux à la volonté proudhonienne d’équilibrer le couple liberté-autorité entendu en divers sens. Il a toutefois tort de prétendre que Proudhon s’en est rendu compte et a effectivement proposé des institutions plus proches de la fédération que de la confédération [26]. En fait, écrit très clairement Proudhon, l’autorité fédérale doit être « simple mandataire et fonction subordonnée », sans quoi elle sera « regardée comme prépondérante » et pourra se lancer dans une spirale centralisatrice : […] au lieu d’être limitée à un service spécial, elle tendrait à embrasser toute activité et toute initiative ; les Etats confédérés seraient convertis en préfectures, intendances, succursales ou régies. Le corps politique, ainsi transformé, pourrait s’appeler république, démocratie ou tout ce qu’il vous plaira : ce ne serait plus un État constitué dans la plénitude de ses autonomies, ce ne serait plus une confédération.
La même chose aurait lieu, à plus forte raison, si, par une fausse raison d’économie, par déférence ou par toute autre cause, les communes, cantons ou États confédérés chargeaient l’un d’eux de l’administration et du gouvernement des autres. La république fédérative deviendrait unitaire ; elle serait sur la route du despotisme [27]. C’est dire que Proudhon propose un État fédéral subordonné par son absence de capacité exécutive, un État « dont les décrets ne reçoivent leur exécution que sur le visa des gouvernements confédérés et par des agents à leurs ordres […] [28] ». Cette subordination se manifeste également dans les propos de l’auteur sur la question de la sécession. On y comprend qu’à la différence de Tocqueville, Proudhon ne considère pas le système fédératif comme un « fractionnement de la souveraineté », parce que les parties conservent leur pleine souveraineté et ont « la faculté de sortir du groupe et de rompre le pacte, ad libitum [29] ». Enfin, toujours parce que les entités constituantes demeurent souveraines et parce qu’il craint leur éventuelle subordination, Proudhon refuse l’institution d’une haute cour fédérale et limite la juridiction des tribunaux fédéraux aux affaires et aux intérêts strictement fédéraux [30]. Il n’y a donc pas de doute que le modèle proudhonien penche davantage du côté de la confédération que de celui de la fédération.
Fédéralisme, liberté, égalité et solidarité
La crainte proudhonienne de la centralisation n’explique pas uniquement l’incapacité de l’auteur à saisir les mérites du fédéralisme de type nouveau pour un projet comme le sien. Combinée à une philosophie de l’histoire qui associe étroitement progrès, raison, système fédéral, liberté, égalité et solidarité, elle est également à la source du caractère exclusivement apologétique de son traitement du système fédéral. Ce dernier prend essentiellement forme à travers une dialectique liberté-autorité/diversité-unité à laquelle on peut attribuer trois significations principales. Ces significations illustrent clairement les vertus que Proudhon attribue au système fédératif, en opposition avec les vices qu’il accole au système unitaire.
Selon l’auteur, la dialectique liberté-autorité permet de rendre compte de la dynamique des deux principes sur lesquels repose le politique. D’une part, ces principes sont contraires, irréductibles l’un à l’autre et en lutte perpétuelle ; d’autre part, ils sont indissolublement liés : l’Autorité suppose invinciblement une Liberté qui la reconnaît ou la nie ; la Liberté à son tour, dans le sens politique du mot, suppose également une Autorité qui traite avec elle, la réfrène ou la tolère. Supprimez l’une des deux, l’autre n’a plus de sens : l’Autorité, sans une Liberté qui discute, résiste ou se soumet, est un vain mot ; la Liberté, sans une Autorité qui lui fasse contrepoids, est un non-sens [31]. Proudhon en conclut qu’« en toute société, même la plus autoritaire, une part est nécessairement laissée à la Liberté ; pareillement en toute société, même la plus libérale, une part est réservée à l’Autorité [32] ». Il en conclut également que « tous les systèmes de gouvernement […] peuvent se ramener à une formule, le Balancement de l’Autorité par la Liberté, et vice versa [33], ». C’est dire que les conceptions abstraites des systèmes de gouvernement font généralement problème, parce qu’elles conçoivent chaque système soit comme un pur régime d’autorité (monarchie, communisme), soit comme un pur régime de liberté (démocratie, anarchie) [34]. « La fidélité aux principes n’existant en politique que dans l’idéal [35] », dans la réalité historique, des transactions entre les principes d’autorité et de liberté ont toujours été et seront toujours inévitables [36]. De là, Proudhon reproche aux publicistes d’avoir fait une utilisation dangereuse de ces « bilboquets métaphysiques [37] », d’avoir créé des illusions « en ne distinguant pas la pratique de la théorie », les gouvernements de pure conception et les gouvernements de fait [38]. Ces illusions ont souvent dégénéré en mensonges et en guerres d’écoles, à la source des conspirations, des tromperies et des renversements qui parsèment l’histoire politique [39]. Le monde est donc condamné à des révolutions répétitives, « jusqu’à ce que la raison générale ait découvert le moyen de maîtriser les deux principes et d’équilibrer la société par la régularisation même de ses antagonismes [40] ». Aux yeux de Proudhon, rappelons-le, l’équilibrage doit se faire en faveur de la liberté : le maximum de liberté possible avec le minimum d’autorité nécessaire. Il doit également prendre en compte la loi d’évolution historique des deux principes : l’autorité rétrograde avec la croissance de la population et du territoire ; inversement, « le régime de liberté s’approche d’autant plus de son idéal et multiplie ses chances de succès, que l’Etat augmente en population et en étendue, que les rapports se multiplient et que la science gagne du terrain [41] ». Or, des événements comme la Réforme, dans l’ordre religieux, et la Révolution française, dans l’ordre politique, sont interprétés par l’auteur comme allant dans le sens du primat de la liberté [42]. C’est dire que la raison générale a fait une partie du travail que Proudhon veut contribuer à achever. C’est précisément là qu’intervient le principe fédératif.
Ainsi que R. Vernon a été le premier à le souligner, Proudhon pense la fédération comme la voie de réalisation de trois types de liberté potentiellement conflictuels [43]. Chacun de ces types de liberté se trouve engagé dans une relation dialectique avec un type concomitant d’autorité. Proudhon soutient que, pour chaque relation dialectique, le système fédératif assurera un équilibrage profitable à la liberté, alors que le système unitaire favorisera plutôt l’autorité au détriment de la liberté.
Premièrement, Proudhon conçoit la liberté comme individuelle et négative. Selon lui, étant donné que « tout pouvoir tend à la concentration et à l’accaparement [44] », les attributions étatiques « ne peuvent excéder les droits et prérogatives de l’homme et du citoyen », sans quoi on se trouve « sur la route du despotisme [45] ». Comme l’indique R. Vernon, il s’agit essentiellement ici d’une liberté civile contre l’arbitraire inspirée des enseignements de Montesquieu [46]. Proudhon y ajoute qu’une application de la doctrine de la séparation des pouvoirs dans un cadre unitaire ne peut jamais suffire. Par la division territoriale des pouvoirs, le système fédératif permet d’étendre l’idée de Montesquieu, c’est-à-dire d’« organiser en chaque État fédéré le gouvernement d’après la loi de séparation des organes [47] », balisant ainsi l’autorité pour maximiser la liberté. Selon l’auteur, qui va ici à l’encontre de la solution retenue par Tocqueville pour le cas français, la voie médiane d’« un État à la fois unitaire et décentralisé est une pure chimère [48] ».
Pour Proudhon, l’exemple de la centralisation croissante en Belgique – notamment par le contrôle central des impôts [49] – montre clairement que la hiérarchie gouvernementale doit être établie sur sa base plutôt que posée sur son sommet [50]. Deuxièmement, Proudhon entend la liberté comme la capacité positive, pour les individus et les collectivités, de manifester leur souveraineté par la délibération politique. Or, l’auteur écrit que la centralisation qui a cours dans l’État unitaire, loin d’« exalter dans la masse la vie politique, […] la détruit dans ses parties constitutives et jusque dans ses éléments [51] ». Là où « les libertés provinciales et municipales sont confisquées au profit d’une puissance supérieure », le citoyen est réduit à manifester « sa souveraineté par un nom propre écrit sur un bulletin [52] ». Inversement, le système fédératif maximise le rôle politique des collectivités locales et régionales. Ce faisant, il rend possible la délibération politique de trois façons : en réduisant la taille des communautés politiques ; en effectuant cette réduction sur la base des communautés historiques, c’est-à-dire celles où vivent, se distinguent et se connaissent les citoyens [53] ; en accroissant les occasions de délibération. C’est ce qui fait dire à Proudhon que « le grand ressort » de la société est « la souveraineté individuelle et locale [54] ».
Enfin, troisièmement, Proudhon voit la liberté comme la capacité des communautés historiques d’affirmer leurs différences devant les pressions uniformisantes. Dans la perspective de l’auteur, cette défense de la diversité s’inscrit en opposition aux principes de « nationalité » et d’« unité » tels que les conçoit le jacobinisme, à savoir comme centralisation absolue et immuable de grands ensembles artificiels [55]. L’unité jacobine est artificielle, soutient Proudhon, parce qu’elle est fondée sur le rationalisme de Sieyès : une division territoriale abstraite et purement administrative visant à implanter une conception de la représentation de la nation comme collectivité indivise [56]. Pareil nationalisme, « prétexte […] pour esquiver la révolution économique [57] » et instituer un régime d’unité profitant aux « classes supérieures [58] », consolide son emprise sur la France au XIXe siècle et commence à essaimer ailleurs en Europe. Ce que l’auteur lui reproche ici, notamment dans sa critique des idées de Mazzini et des « démocrates français », c’est d’uniformiser la diversité qui anime le « vrai » principe national et la « véritable » unité :
On dit : Rome est aux Italiens. Je réplique que Rome est aux Romains, comme Naples aux Napolitains et Paris aux Parisiens ; que les Italiens, comme les Français, sont une abstraction ; que ce qui est vrai, c’est qu’il existe à cette heure une grande agglomération politique qui a nom la France, mais que ce n’est pas du tout une raison pour lui donner un pendant de l’autre côté des Alpes ; au contraire [59].
Proudhon envisage le rapport entre ces trois types de liberté et les types concomitants d’unité sous la forme d’un équilibre. Sans être des plus précis, le concept proudhonien d’équilibre paraît ici revêtir le sens métaphorique d’un point d’harmonie optimal entre deux valeurs pluriformes où chacune réalise son potentiel positif dans un « rapport nécessaire […], à la fois d’opposition et de complémentarité [60] ». Plus modestement, il peut être défini par la gamme des points d’harmonie entre les extrêmes de l’uniformisation et de la fragmentation. Il s’agit donc de mettre à jour les rapports de complémentarité et d’indiquer leur voie de réalisation. Dans la sphère politique, les valeurs opposées et complémentaires recouvrent trois acceptions de la liberté et de l’unité, alors que, parallèlement, dans la sphère économique, ce sont l’égalité de conditions et la liberté d’échanges. Dans l’une et l’autre sphère, le fédéralisme mutuelliste représente la voie de l’équilibre, alors que la solidarité mutuelliste en constitue le résultat positif, un bien précisément fédéral.
Le caractère exclusivement apologétique de cet exposé mène Proudhon à éluder les difficultés associées au système fédératif, en particulier à un arrangement de type confédéral comme le sien. Par exemple, conscient que la « faculté de sécession qui, en principe, doit appartenir à tout État confédéré, est contradictoire » parce qu’elle peut en pratique s’exercer contre l’esprit du pacte fédératif [61], l’auteur se limite à proposer de supprimer les causes de la sécession et à prétendre que l’on peut y parvenir en liant la fédéralisation politique et la fédéralisation économique sur la base du principe de mutualité [62]. Qui plus est, il ne voit aucunement que sa conception du fédéralisme est à ce point craintive de la centralisation unitaire qu’elle incline vers la fragmentation. La prochaine section fait la part des limites et du potentiel du fédéralisme proudhonien en ce qui concerne tant la conciliation de l’unité et de la diversité que la réalisation et l’extension de la solidarité en contexte de diversité.
La lettre et l’esprit du fédéralisme de Proudhon
Les tenants du fédéralisme intégral ont tendance à considérer que le fédéralisme proudhonien est effectivement un modèle d’équilibre du seul fait que Proudhon n’est pas uniquement préoccupé de liberté, qu’il montre aussi « un souci d’unité » et « n’est nullement un apologiste de la granulation politique [63] ». Or, entre se soucier de quelque chose et en trouver la juste mesure, il y a toute la différence qui sépare les objectifs des résultats ou l’esprit de la lettre. Dans un premier temps, nous verrons que la combinaison d’une crainte obsessive de l’unité avec un arrangement institutionnel de type confédératif conduit Proudhon à un modèle qui tend vers le cloisonnement des différences nationales, modèle peu susceptible de conduire à la solidarité transnationale recherchée. Dans un second temps, nous verrons toutefois que, si l’on s’en tient à l’esprit de sa défense de la liberté, la pensée fédérale de Proudhon peut contribuer significativement à penser une conciliation fédérale de l’unité et de la diversité d’une manière favorable à la solidarité transnationale.
Les bases d’un fédéralisme déséquilibré : crainte obsessive de l’unité et arrangement confédératif
Il est vrai qu’au fil de son oeuvre, Proudhon manifeste une conscience croissante des vertus de l’unité. Dans son dernier ouvrage, il la voit notamment comme « le produit de la raison humaine, qui travaille sans cesse à ordonner la confusion originelle [64] » et comme la condition de toute liberté. Toutefois, même dans ce qui se veut un éloge de l’unité, l’auteur fait ressortir les tendances autoritaires et uniformisantes qui caractérisent l’unité dans les régimes qu’il abhorre, les régimes unitaires :
Considérons d’abord que l’esprit humain tend essentiellement à l’unité. […]. L’Unité est la loi de tout ce qui a vie et qui est organisé ; qui sent, qui aime, qui jouit, qui crée, qui combat, qui travaille, et, par le combat de même que par le travail, cherche l’ordre et la félicité.
L’absence d’unité a été conçue comme le principe du royaume satanique ; l’anarchie, la dissolution, c’est la mort. C’est par l’unité et en vue de l’unité que se bâtissent les villes […]. C’est par horreur des déchirements, suite inévitable des discordes, que la police des gouvernements poursuit de ses méfiances et de ses colères l’investigation philosophique, et l’analyse hautaine, et la négation impie, et l’hérésie déicide ; c’est pour cette précieuse unité que les nations se résignent parfois à la plus détestable tyrannie. […] observons que comme il n’est pas de Liberté sans Unité, ou, ce qui revient au même, sans ordre, pareillement il n’est pas non plus d’unité sans variété, sans pluralité, sans divergence ; pas d’ordre sans protestation, contradiction ou antagonisme. Ces deux idées, Liberté et Unité ou Ordre sont adossées l’une à l’autre […] [65].
En fait, Proudhon craint tellement les dérives vers l’unité-uniformité qu’il néglige des caractéristiques potentiellement positives de l’unité fédérale, en particulier l’aménagement d’espaces communs d’interaction entre les communautés fédérées. Alors que la pensée de Tocqueville permet de voir dans ces espaces communs la possibilité de rapprocher les patriotismes provinciaux sur la base initiale d’un « intérêt bien entendu », Proudhon limite son éloge de la délibération à celle qui se déroule à l’intérieur des entités fédérées et y actualise la souveraineté locale et individuelle. Tocqueville conçoit l’espace politique fédéral comme le principal lieu du rapprochement et en conclut à la nécessité d’un « fractionnement de la souveraineté » dans l’esprit du nouveau fédéralisme incarné par la Constitution américaine de 1787 et vers lequel évolue la Suisse. Pour sa part, Proudhon institutionnalise sa peur de l’unité dans une structure essentiellement confédérale où la souveraineté et la capacité exécutive demeurent entièrement entre les mains des entités fédérées. Sa peur de la centralisation est telle qu’il se refuse à aborder de front la tendance à la fragmentation que Publius et Tocqueville décèlent dans les arrangements de type confédéral. En fait, dans le contexte de la Guerre de Sécession, Proudhon note chez les deux camps qui s’affrontent une tendance à « l’absorption unitaire » dans laquelle il voit notamment un effet des attributions trop importantes de l’autorité fédérale américaine [66]. La nouvelle structure fédérale s’en trouve ainsi disqualifiée et les idées qui la sous-tendent avec elle.
Proudhon veut bien attribuer des pouvoirs d’initiative et de surveillance à l’Etat fédéral, mais seulement en les subordonnant à la sanction répétée et à la capacité exécutive des Etats fédérés. Dès lors, son fédéralisme ne profite pas des interactions qu’est susceptible de créer un réel espace politique fédéral, un espace significatif où se prennent des décisions qui peuvent être appliquées. La crainte proudhonienne de l’unité et la proposition institutionnelle concomitante créent un déséquilibre non seulement parce qu’elles négligent des aspects positifs majeurs de l’unité, mais aussi parce qu’elles s’avèrent néfastes aux fins mêmes que doit servir l’unité dans la pensée fédérale de l’auteur, à savoir la liberté et la solidarité. Proudhon fonde les contrats fédératifs sur une justification qui combine un principe de mutualité à un principe de perfection : la réciprocité entre les parties en raison de l’interdépendance de leur liberté et de leur solidarité, de même qu’en vertu de la dignité égale que leur faculté de justice perfectionnée en viendra éventuellement à pouvoir reconnaître dans l’interdépendance. Cette justification est problématique dans la mesure où elle ignore les vertus des espaces politiques communs pour faire progresser la conscience de l’interdépendance et de l’égalité en dignité et, ultimement, rapprocher les identités. En raison de cette carence, le fédéralisme proudhonien tend vers le cloisonnement et s’avère très vulnérable à la sécession, notamment sur l’enjeu de la solidarité.
Aux yeux de Proudhon, la solidarité est davantage un fait synonyme d’interdépendance qu’une valeur qui privilégie l’entraide sur la base de liens sociaux de types divers. Le travail, la production et le commerce sont des faits sociaux et solidarisants, parce qu’ils sont résultats et sources de l’interdépendance. Avec la conscience de cette interdépendance vient la faculté de justice, c’est-à-dire « la faculté de sentir sa dignité dans la personne de son semblable, comme dans sa propre personne ». L’auteur privilégie une conception mutuelliste plutôt qu’altruiste de la solidarité [67]. Le partage de la richesse sociale n’est pas le fruit de la bonne volonté et du don, à l’intérieur d’une relation de dépendance, mais celui d’une négociation contractuelle et d’une institutionnalisation fondées sur l’interdépendance et l’égalité de dignité des acteurs économiques. Cette conception n’est pas problématique en raison de son caractère mutuelliste, mais parce qu’elle repose exclusivement sur la faculté de justice que devrait faire naître une réalité d’interdépendance. Mutuelliste ou altruiste, une politique de solidarité ne peut être efficace et durable que si elle s’appuie sur des liens sociaux de divers types, qui vont du simple rapport de confiance aux liens identitaires. Comme c’est par exemple le cas pour la fédération belge contemporaine, la faiblesse de ces liens, souvent résultat d’une histoire de relations tumultueuses source de ressentiment, peut devenir une menace pour la fédération si une forte inégalité de contributions – apparente ou réelle – entre les partenaires se prolonge sur une longue période [68]. On se trouve alors devant une perception de dépendance plutôt que devant une conscience de l’interdépendance. De tels phénomènes eurent difficilement pu être absents des fédérations française et italienne que propose Proudhon. Ceci dit, l’esprit de la défense proudhonienne du fédéralisme paraît cependant pointer dans une autre direction, plus susceptible de contribuer à la justification et au développement de la théorie et de la pratique de la solidarité transnationale.
Proudhon et les bases du fédéralisme interculturel
Comme nous l’avons souligné précédemment, Proudhon voit mieux les implications positives du système fédératif en ce qui concerne la liberté qu’en ce qui concerne l’unité. En fait, à partir de deux de ses trois conceptions de la liberté en système fédératif, on peut identifier trois biens susceptibles de favoriser l’exercice de la solidarité en contexte de diversité culturelle : la reconnaissance mutuelle, la liberté critique et la pluralisation des identités. Outre qu’ils sont justifiés sur la base de l’interdépendance et de la perfection de la faculté de justice, ces biens reposent sur une justification perfectionniste supplémentaire.
D’abord, lorsque Proudhon réfère à la liberté individuelle et négative, il nous semble qu’il songe prioritairement à la capacité du système fédératif à favoriser l’émergence de la liberté critique, la liberté de révision et d’opposition préalable à l’exercice de toute autre liberté individuelle. Cette liberté critique représente un héritage de sa période anarchiste dont l’importance ne s’est jamais démentie. En 1846, il en fait un éloge provocateur : « à la création qui l’environne, elle dit : non ; – aux lois du monde et de la pensée qui l’obsèdent : non ; – aux sens qui la sollicitent : non ; – à l’amour qui la séduit : non ; – à la voix du prêtre, à l’ordre du prince, aux cris de la multitude : non, non, non. Elle est le contradicteur éternel qui se met au travers de toute pensée et de toute existence [,..] [69] ».
En 1862, il soutient que « pour avancer dans la science des choses sociales, nous ne devons reculer devant aucune des conclusions de la critique, quelque part quelle nous fasse aboutir [70] ». La philosophie de l’histoire de l’auteur pointe également vers l’importance de la liberté critique. Rappelons que, chez Proudhon, le progrès est un idéal perfectionniste, en mouvement perpétuel, qui « change et s’agrandit toujours » avec l’extension de la raison humaine et le mouvement de l’univers. Or, pareil idéal requiert une liberté critique aiguisée sans laquelle la raison plafonne rapidement. C’est dire qu’on peut interpréter la proposition proudhonienne de l’extension fédérale de la doctrine de la séparation des pouvoirs comme une reconnaissance de la capacité du fédéralisme à institutionnaliser la liberté critique. En institutionnalisant une pluralité de points de vue et une base de résistance aux abus, à l’uniformisation et aux tentatives d’accaparement des pouvoirs par le contrepoids entre les ordres de gouvernement, la proposition proudhonienne offre aux citoyens des préalables nécessaires à l’exercice de la liberté critique. Cette liberté peut contribuer à la solidarité transnationale dans la mesure où elle ouvre la porte aux révisions et aux rapprochements identitaires.
Par ailleurs, toujours dans le contexte de sa philosophie de l’histoire, lorsque Proudhon défend la liberté comme capacité des communautés historiques d’affirmer leurs différences devant les pressions uniformisantes, il faut surtout y voir un éloge de l’aptitude du système fédératif à favoriser le progrès vers la pluralisation identitaire via la liberté de circulation et, plus généralement, la citoyenneté plurielle.
Les conceptions proudhoniennes de la nation et de la nationalité dans un monde fédéral convergent vers cette interprétation. Sa conception de la nation paraît osciller entre historicisme et déterminisme essentialiste. D’une part, il affirme « que tout se meut, tout change et tout est en évolution incessante dans la société [71] », que même « les nations se démentent, changent de maximes et de formes [72] ». D’autre part, il définit la nation selon des critères géographiques (« toute agglomération d’hommes, comprise dans un territoire nettement circonscrit, et pouvant y vivre d’une vie indépendante, est prédestinée à l’autonomie [73] »), ethnographiques (ses membres partagent une communauté d’origine) [74] et historiques (ses membres partagent une histoire commune) [75]. À première vue, on peut être tenté de conclure que l’intérêt de Proudhon pour la pratique bascule ici dans l’essentialisme. L’auteur écrit notamment que la nationalité jacobine « est le produit de la politique bien plus que de la nature [76] », et que les constituantes d’une fédération « sont des groupes donnés a priori par la nature [77] ». C’est d’ailleurs une telle diversité « naturelle » qu’il identifie en Italie [78] et en France [79].
Toutefois, à l’analyse, deux arguments militent pour une conclusion plus nuancée. Primo, face à un discours niveleur sur l’unification nationale, qui avance régulièrement l’argument des « frontières naturelles », on peut penser que Proudhon a été porté à surenchérir pour bien montrer que les localités et les provinces constituent des communautés significatives. Secundo, il faut rappeler que l’auteur distingue parfois entre la nation et la nationalité – entendue au sens de citoyenneté – et prône alors une nationalité plurielle. Tout en concluant La fédération et l’unité en Italie par un plaidoyer pour le droit international à l’asile politique fondé sur le principe de mutualité, Proudhon en appelle à une citoyenneté plurielle fondée sur le même principe : « un jour viendra où la nationalité cessera d’être exclusive ; où il sera permis à tout individu, voyageant pour son plaisir ou pour ses affaires, de devenir citoyen de plusieurs patries ; où, pour entrer dans un groupe politique, au lieu de cinq ans de résidence et d’un acte solennel des Chambres, on n’exigera que le fait d’habitation et la déclaration de l’impétrant [80]. »
Or, pareille ouverture implique forcément des transformations perpétuelles de la nation dont on cherche encore aujourd’hui à mesurer toute la portée. C’est dire que lorsque Proudhon se fait l’avocat du système fédératif, il souhaite beaucoup plus maintenir la diversité comme possibles que comme incarnation d’un ordre naturel particulier et immuable. Ainsi, dans la sphère des relations entre cultures, l’idéal perfectionniste proudhonien ne peut s’actualiser qu’à travers la pluralisation des identités. En d’autres termes, la pluralisation identitaire incarne la vision proudhonienne du progrès sur le plan culturel. Cette interprétation est d’autant plus plausible que le fédéralisme proudhonien est pluraliste à sa base, institutionnalisant les identités socio-économiques à l’intérieur des identités nationales.
Enfin, lorsque Proudhon défend la liberté comme capacité des communautés historiques à affirmer leurs différences, il paraît également songer à la reconnaissance mutuelle que favorise le système fédératif. En effet, si l’on tient compte du fait que le fédéralisme proudhonien affirme la réalité des êtres collectifs, leur dignité et leur importance pour les individus, il devient évident que Proudhon transpose son principe de mutualité de la sphère économique à la sphère des relations entre communautés culturelles. Le système fédératif est alors conçu comme le moyen de favoriser la conscience de l’interdépendance des communes et des provinces en matière de reconnaissance de leurs différences.
Cette conscience leur révèle leur égale dignité et favorise le développement d’une faculté de justice entre communautés à l’intérieur du pacte fédératif. Cette reconnaissance mutuelle peut être favorable à la liberté politique et à la solidarité interculturelles dans la mesure où elle est une condition sine qua non de la pluralisation identitaire. Cela dit, ces trois biens que recèle le fédéralisme proudhonien ne sauraient à eux seuls pourvoir à une théorie du fédéralisme interculturel.
Premièrement, comme nous l’avons souligné, il manque chez Proudhon une sensibilité à l’importance des espaces communs. Sans de tels espaces de dialogue, la reconnaissance mutuelle demeure superficielle et la liberté critique ne peut s’alimenter suffisamment à l’« autre » pour conduire à une certaine pluralisation identitaire. À cet égard, on peut donc dire que le fédéralisme tocquevillien s’avère complémentaire de celui de Proudhon.
Deuxièmement, bien que les fédéralistes intégraux le dépeignent généralement comme un modèle de pluralisme, un auteur qui « recherche […] une théorie de la société et de l’Etat qui n’exclut aucun acteur social, qu’il soit individuel ou collectif [81] », Proudhon présente une conception extrêmement conservatrice de la place des femmes. Sur la base des arguments essentialistes les plus réactionnaires (infériorités physique, intellectuelle et morale [82]), il refuse non seulement aux femmes une inclusion politique, mais aussi une inclusion socioéconomique. Les femmes sont destinées à un rôle de mères et d’épouses dans l’intimité de la famille, seule institution où le fédéralisme proudhonien permet que l’autorité « se retrouve entière », soutenant que cette autorité du père sera « tempérée par le double amour conjugal et paternel [83] ». Parce que le fédéralisme proudhonien se veut l’incarnation d’un pluralisme optimal et parce que son auteur est généralement un critique aiguisé des pouvoirs absolus, on eut pu s’attendre à ce qu’il surmonte les préjugés dominants de son époque. Au contraire, lecteur des écrits féministes, de plus en plus nombreux en son temps, il en fait une évaluation qui frise la mauvaise foi. Par exemple, après avoir écrit que l’enseignement pouvait contribuer à réparer « les injures de la naissance et les accidents de la vie sociale » subis par les Noirs américains et le prolétariat en général [84], Proudhon ridiculise un argument similaire au sujet des femmes en prétextant que « l’instruction […] embrasse une suite d’études et de manoeuvres dont la femme, par la faiblesse de son cerveau autant que par celle de ses muscles, est incapable [85] ». Pareil essentialisme est parfaitement incompatible avec la reconnaissance mutuelle – entendue comme une reconnaissance de l’« autre » selon la définition qu’elle donne d’elle-même -, la liberté critique – on ne critique pas l’essence – et la pluralisation identitaire – le métissage est un état d’impureté par mélange des essences – qui constituent l’interculturalisme.
Troisièmement, les positions de Proudhon sur la fédéralisation hors d’Europe demeurent nébuleuses au point que, dans le cas de l’Algérie, on a parfois l’impression que le fédéralisme proudhonien se marie à l’impérialisme de Tocqueville. D’une part, en 1847, dans l’un de ses trop rares passages sur la question, Proudhon écrit : « un jour viendra l’indépendance pour l’Algérie : mais alors la société européenne sera renouvelée [86] ». Toutefois, dans son dernier ouvrage, l’auteur regrette que la France n’ait pas avec l’Algérie une « confédération maritime », c’est-à-dire une « France africaine », résultat d’une conquête qui traduisait un « légitime espoir de la Nation » dont se sont montrés incapables les « hommes d’État [87] ».
Enfin, plus généralement, le raisonnement de Proudhon selon lequel la conscience de l’interdépendance fait naître le sens de la justice semble négliger des questions dont l’importance ne s’est pas démentie depuis le XIXe siècle : Différents degrés d’interdépendance et de liens communautaires conduisent-ils à une même solidarité ? La solidarité n’est-elle pas toujours un peu sélective ? Les différences culturelles radicales ont-elles un impact sur la possibilité de la solidarité transnationale ? Le ressentiment entre des communautés déchirées par l’histoire ne paraît-il pas un obstacle insurmontable à la possibilité même du pardon et de la confiance minimale sans lesquels il ne saurait y avoir de solidarité ? Le fédéralisme social et le fédéralisme politique sont-ils également solidarisants ? Ici, on ne saurait faire l’économie d’un dialogue entre l’oeuvre de Proudhon et des approches plus contemporaines, notamment l’interculturalisme.
Conclusion
L’essentiel du programme de recherche de Proudhon apparaît dès son premier ouvrage social : concilier liberté, égalité et unité dans le véritable esprit de la Révolution française en opposition avec le déséquilibre unitaire institué par le jacobinisme, consolidé par les régimes subséquents et auquel l’alternative communiste ne propose qu’un renversement des bénéficiaires. L’idéal proudhonien trouve d’abord sa voie hors de la sphère politique, dans le mutuellisme anarchiste. Au fil des événements, des polémiques et des réflexions, Proudhon en vient à faire du fédéralisme mutuelliste sa solution, tant pour la question nationale que pour le problème social. Sur la base d’une méthode dialectique originale, Proudhon présente le fédéralisme mutuelliste comme la voie de l’équilibre entre deux séries de termes à la fois antinomiques et indissociables : l’égalité et la liberté, d’une part ; la liberté et l’unité, d’autre part. Selon l’auteur, le bien purement fédéral que réalise cette dialectique sérielle est la solidarité, tant sur le plan national qu’entre les nations. Ses justifications renvoient essentiellement à la capacité du principe de mutualité à répondre à l’interdépendance qui caractérise la condition sociale, de même qu’à celle du système fédératif d’incarner l’ordre social et politique d’actualisation maximale de la liberté humaine comme éventail de possibles toujours perfectibles pouvant coexister les uns avec les autres.
L’étude du fédéralisme de Proudhon est instructive à plusieurs égards. Premièrement, le fédéralisme proudhonien illustre la difficulté majeure à surmonter pour atteindre un équilibre entre unité et diversité. En effet, nous avons vu que, même si l’auteur fait de l’équilibre l’objectif premier de son fédéralisme, même s’il présente unité et diversité comme des valeurs interdépendantes et incontournables, sa crainte obsessive de l’unité-uniformité jacobine mine sa capacité à identifier certaines vertus de l’unité, particulièrement celles des espaces communs d’interaction qui animent le fédéralisme tocquevillien. En résulte une structure institutionnelle qui emprunte beaucoup aux préceptes du modèle confédéral et se rapproche finalement beaucoup plus du cloisonnement entre les nations que de l’interculturalisme.
Pareille structure tend vers la fragmentation et s’avère peu susceptible d’institutionnaliser une jouissance étendue d’un bien comme la solidarité mutuelliste proudhonienne. La présence d’un tel déséquilibre fédéral chez le père de l’équation entre fédéralisme et équilibre montre à la fois la difficulté et la nécessité d’accorder une égale attention aux mérites respectifs de l’unité et de la diversité.
Deuxièmement, nous avons souligné qu’en dépit de cette carence, si l’on s’en tient à l’esprit de la défense de la liberté chez Proudhon, on peut arriver à faire avancer significativement la justification et le développement d’une conciliation fédérale et interculturelle de l’unité et de la diversité. Plus précisément, d’après deux de ses trois conceptions de la liberté en système fédératif, l’une individuelle, l’autre collective, on peut identifier trois biens fédéraux susceptibles de favoriser l’exercice de la solidarité en contexte de diversité culturelle : la liberté critique, la reconnaissance mutuelle et la pluralisation identitaire. La complémentarité avec la multiplication des espaces communs d’interaction du fédéralisme tocquevillien paraît ici évidente. Par ailleurs, la pensée de Proudhon permet de combiner une justification perfectionniste à une justification minimaliste de l’équilibre fédéral et interculturel entre unité et diversité.
Enfin, à la différence des proudhoniens, il nous a semblé que le fédéralisme de Proudhon ne peut aujourd’hui être autosuffisant, notamment parce qu’il laisse en plan des questions dont on ne saurait faire l’économie : différents degrés d’interdépendance et de liens communautaires conduisent-ils à une même solidarité ? La solidarité n’est elle pas toujours un peu sélective ? Les différences culturelles radicales ont-elles un impact sur la possibilité de la solidarité transnationale ? Le ressentiment entre des communautés déchirées par l’histoire ne paraît-il pas un obstacle insurmontable à la solidarité ? Le fédéralisme social et le fédéralisme politique sont-ils également solidarisants ? À la décharge de Proudhon, il convient de noter que ce sont là des questions auxquelles la recherche contemporaine n’a pas encore apporté de réponses très satisfaisantes.
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Notes
[1] Pierre-Joseph Proudhon, « Du principe fédératif », Œuvres complètes, tome Du principe fédératif. La fédération et l’unité en Italie. Nouvelles observations sur l’unité italienne. France et Rhin, Paris, Marcel Rivière, 1959, 1re partie, p. 352-353.
[2] P-J. Proudhon, « Les confessions d’un révolutionnaire », Œuvres complètes, tome Les confessions d’un révolutionnaire, Paris, Marcel Rivière, 1929, p. 249.
[3] Cette légitimité accrue est particulièrement visible dans le discours des organisations internationales. Voir Will Kymlicka, « Federalism and Secession: East and West », communication présentée au colloque Europa Mundi, Santiago De Compostela, Espagne, juin 2000.
[4] Si l’on tient également compte de la multiplication des revendications identitaires autres que nationales, on peut même craindre un émiettement des solidarités.
[5] Voir Philippe Van Parijs, « Un regard philosophique sur l’avenir de la Belgique », La Revue nouvelle, septembre 1999, p. 90-108 et Daniel Weinstock, « Vers une théorie normative du fédéralisme », Revue internationale des sciences sociales, mars 2001, p. 79-87.
[6] Le concept de « solidarité transnationale » réfère à la solidarité entre nations, que ce soient les nations de différents États ou celles d’un même État multinational.
[7] P-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, chap. 1, p. 270.
[8] Article « Fédératif (DU PRINCIPE) et de la nécessité de reconstituer le parti de la Révolution », dans Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, sous la direction de Pierre Larousse, Genève-Paris, Slatkine, 1982 [1866-1879], tome VIII, 1ère partie, p. 184.
[9] Cette stabilité est encore visible dans les grands dictionnaires qui paraissent après la mort de Proudhon, malgré l’apparition d’un autre système fédératif de type nouveau au Canada. Voir article « Fédératif (DU PRINCIPE) et de la nécessité de reconstituer le parti de la Révolution », dans Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, sous la dir. de Pierre Larousse, tome IV, 2e partie, p. 889-891, tome VIII, 1ère partie, p. 182-186, et Dictionnaire de l’Académie française, Paris, Firmin-Didot, 1878, tome I, 7e édition, p. 365, 731.
[10] Proudhon écrit que « [l]a cause du prolétariat et celle de l’équilibre européen sont solidaires; toutes deux protestent avec une égale énergie contre l’unité et en faveur du système fédératif » (P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 2e partie, p. 439)
[11] Voir notamment P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, chap. VII.
[12] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », lre partie, p. 324. Par « synallagmatique », l’auteur entend un engagement bilatéral par lequel tous les contractants, sans exception, « s’obligent réciproquement les uns envers les autres » (P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », lre partie, p. 315). Par « commutatif », il entend un contrat où chacun s’engage à contribuer l’équivalent de ce qu’il recevra, étant entendu que la valeur des contributions doit faire l’objet d’un consensus social et qu’une « loi d’assurance générale » verra à protéger les contractants en « cas de maladie, infirmité ou mutilation » (P.-J. Proudhon, « De la justice dans la Révolution et dans l’Église », Œuvres complètes, tome De la justice dans la Révolution et dans l’Église, vol. II, Paris, Marcel Rivière, 1931, p. 283).
[13] P-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 318, note a.
[14] P-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 360.
[15] P-J. Proudhon, « Les démocrates assermentés et les réfractaires », dans P-J. Proudhon, Œuvres complètes, tome Contradictions politiques. Les démocrates assermentés. Lettre aux ouvriers. Si les traités de 1815 ont cessé d’exister?, Paris, Marcel Rivière, 1952, p. 51.
[16] Pour un exposé plus complet de la dialectique de Proudhon et des rapports qu’elle entretient avec celles de Hegel et de Marx, voir Georges Gurvitch, Dialectique et sociologie, Paris, Flammarion, 1962, chap. 7.
[17] Lettre du 30 décembre 1861 à Langlois, citée dans Bernard Voyenne, Histoire de l’idée fédéraliste, tome 2, Le fédéralisme de P.-J. Proudhon, Paris, Presses d’Europe, 1973, p. 65.
[18] Plus précisément, Proudhon présente la justice comme le produit d’une faculté dont l’homme est doté en vertu de sa raison, à savoir « la faculté de sentir sa dignité dans la personne de son semblable, comme dans sa propre personne, de s’affirmer tout à la fois comme individu et comme espèce ». La justice est donc « le respect, spontanément éprouvé et réciproquement garanti, de la dignité humaine, en quelque personne et dans quelque circonstance qu’elle se trouve compromise, et à quelque risque que nous expose sa défense ». C’est là la source de tout droit et de tout devoir (P.-J. Proudhon, « De la justice dans la Révolution et dans l’Église », vol. I, p. 423).
[19] Proudhon n’affirme plus le primat de l’économique sur le politique, mais il lie la réussite de l’organisation politique à celle de l’organisation économique et continue de faire de l’égalité l’un de ses grands objectifs. Voir P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, chap. XI.
[20] Aux yeux de Proudhon, l’autogestion est la manifestation des progrès de la liberté dans la sphère économique et elle se traduit par « l’union intime du travail et du capital, autrement dit l’abolition des aristocraties et du salariat » (P.-J. Proudhon, « Nouvelles observations sur l’unité italienne » Œuvres complètes, tome Du principe fédératif, p. 248)
[21] Proudhon considère que « [1]’Europe serait encore trop grande pour une confédération unique » (P-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 335)
[22] P.-J. Proudhon, « De la justice dans la Révolution et dans l’Église », vol. II, p. 283-284, 287
[23] Pour un résumé de ces conditions et de ces garanties du suffrage universel telles que les présente l’auteur à la veille des élections de 1863, voir P.-J. Proudhon, « Les démocrates assermentés et les réfractaires », p. 41-43
[24] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 326-329.
[25] Voir P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 320, note a, 322, note a.
[26] Voir Richard Vernon, Citizenship and Order : Studies in French Political Thought, Toronto, University of Toronto Press, 1986, p. 83.
[27] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 320.
[28] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 330-331.
[29] P.-J. Proudhon, « De la capacité politique des classes ouvrières », p. 207.
[30] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 323, note a, 328.
[31] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 271.
[32] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 272.
[33] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 272.
[34] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, chap. II.
[35] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 307.
[36] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, chap. III.
[37] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », p. 280.
[38] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », p. 295.
[39] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », p. 292-293. Selon l’auteur, « la confusion du langage et des idées » est devenue telle que l’on peut y voir un « [s]igne certain que notre dissolution est proche et qu’une nouvelle ère va s’ouvrir » (P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 308).
[40] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 305.
[41] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 310.
[42] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 311-314.
[43] R. Vernon, Citizenship and Order, p. 94-95.
[44] L’auteur explique qu’« il suffit, pour que cette tendance centralisatrice devienne une réalité, qu’il existe de fait ou de droit une opposition de classes […]. C’est une conséquence fatale de l’antagonisme des intérêts, qu’ils travaillent de concert à la concentration du pouvoir » (P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 3e partie, p. 505).
[45] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 319-320.
[46] R. Vernon, Citizenship and Order, p. 94.
[47] Proudhon précise qu’il entend par là « séparer dans le pouvoir tout ce qui peut être séparé, définir tout ce qui peut être défini, distribuer entre organes ou fonctionnaires différents tout ce qui aura été séparé et défini; ne rien laisser dans l’indivision ; entourer l’administration publique de toutes les conditions de publicité et de contrôle » (P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 330).
[48] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 3e partie, p. 504.
[49] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 3e partie, p. 504-505.
[50] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 330.
[51] P.-J. Proudhon, La fédération et l’unité en Italie, Paris, E. Dentu, 1863, p. 25.
[52] P.-J. Proudhon, La fédération et l’unité en Italie, p. 25.
[53] P.-J. Proudhon, La fédération et l’unité en Italie, p. 25.
[54] P.-J. Proudhon, « Les démocrates assermentés et les réfractaires », p. 58.
[55] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 263.
[56] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 2e partie, p. 366. En 1789, rappelons-le, parallèlement à l’exposé de ses positions en matière de représentation, Sieyès avait initialement proposé au second Comité de constitution une méthode purement géométrique de division du territoire de France (voir B. Voyenne, Histoire de l’idée fédéraliste, tome 1, Les sources, Paris, Presses d’Europe, 1976, p. 192). Proudhon omet de préciser que Sieyès atténua quelque peu sa position initiale et que « le compas et la règle n’avaient pas seuls présidé au découpage » départemental finalement adopté. Il n’en demeure pas moins que, pour la majorité des membres du Comité de constitution, ce découpage vise largement à institutionnaliser une conception unitaire et indivisible de la nation, de même qu’à tuer dans l’œuf toute velléité fédéraliste que pourraient favoriser les aspirations locales et régionales (voir Mona Ozouf, article « Département », Dictionnaire critique de la Révolution française, sous la dir. de François Furet et M. Ozouf, Paris, Flammarion, 1988, p. 568).
[57] P.-J. Proudhon, « De la justice dans la Révolution et dans l’Église », vol. II, p. 289.
[58] P.-J. Proudhon, La fédération et l’unité en Italie, p. 27. Voir également « Du principe fédératif », 1re partie, p. 263, 303.
[59] P.-J. Proudhon, La fédération et l’unité en Italie, p. 56-57.
[60] B. Voyenne, « La dialectique égalité-liberté chez P.-J. Proudhon », L’Europe en formation, hiver 1987, p. 18.
[61] P.-J. Proudhon, « De la capacité politique des classes ouvrières », p. 207-209.
[62] P.-J. Proudhon, « De la capacité politique des classes ouvrières », p. 211.
[63] B. Voyenne, Histoire de l’idée fédéraliste, tome 2, Le fédéralisme de P.-J. Proudhon, p. 133.
[64] B. Voyenne, Histoire de l’idée fédéraliste, p. 134.
[65] P.-J. Proudhon, « De la capacité politique des classes ouvrières », p. 200.
[66] P-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 352.
[67] Notons que, comme c’est encore souvent le cas aujourd’hui, Proudhon utilise le terme « charité » plutôt que celui de « solidarité altruiste », et qu’il l’associe à la fraternité plutôt qu’à la solidarité. Voir P.-J. Proudhon, « De la capacité politique des classes ouvrières », p. 204.
[68] Sur l’émiettement de la solidarité dans la fédération belge, voir notamment D. Karmis et A.-G. Gagnon, « Federalism, Federation and Collective Identities in Canada and Belgium: Different Routes, Similar Fragmentation », dans Multinational Democracies, sous la dir. de Alain-G. Gagnon et James Tully, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, particulièrement les pages 165-170.
[69] P-J. Proudhon, « Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère », Œuvres complètes, tome Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, Paris, Marcel Rivière, 1923, vol. II, p. 527.
[70] Lettre du 2 novembre 1862 à Milliet, citée dans J.-L. Puech et T. Ruyssen, « Le fédéralisme dans l’oeuvre de Proudhon », dans P-J. Proudhon, Œuvres complètes, tome Du principe fédératif, p. 53.
[71] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 3e partie, p. 506.
[72] P.-J. Proudhon, La fédération et l’unité en Italie, p. 23.
[73] P.-J. Proudhon, « Nouvelles observations sur l’unité italienne », p. 211.
[74] P.-J. Proudhon, « Nouvelles observations sur l’unité italienne », p. 219-225.
[75] P.-J. Proudhon, « Nouvelles observations sur l’unité italienne », p. 225-237.
[76] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 3e partie, p. 507.
[77] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 3e partie, p. 546.
[78] Voir notamment P.-J. Proudhon, La fédération et l’unité en Italie, p. 104; « Du principe fédératif », 2e partie, p. 392; et « Nouvelles observations sur l’unité italienne », p. 216.
[79] Voir notamment P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », conclusion, p. 550-551.
[80] P.-J. Proudhon, La fédération et l’unité en Italie, p. 118.
[81] Nicolas Portier, « Proudhon: un démophile antidémocrate? », L’Europe en formation, automne-hiver 1994, p. 100.
[82] P.-J. Proudhon, « De la justice dans la Révolution et dans l’Église », vol. IV, p. 179-215.
[83] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 1re partie, p. 360.
[84] P.-J. Proudhon, « Du principe fédératif », 3e partie, p. 542.
[85] P.-J. Proudhon, « De la justice dans la Révolution et dans l’Église », vol. IV, 189.
[86] P.-J. Proudhon, Carnets, tome II, 1847-1848, Paris, Marcel Rivière, 1961, carnet n° 5, p. 133.
[87] P.-J. Proudhon, « De la capacité politique des classes ouvrières », p. 306-307.
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